L’asymétrie des supernovas
Filer les métaphores stellaires pour ne pas devenir un trou noir.
En fin de vie, les étoiles s’effondrent sur elles-mêmes. Lorsque les forces de pression (notamment celles générées par les réactions nucléaires du cœur de l’étoile) ne compensent plus l’attraction gravitationnelle, c’est l’effondrement. Ce phénomène génère (parfois) des supernovas, lorsque l’énergie libérée est considérable.
Ce processus est endogène ; les réactions et forces à l'œuvre ne concernent que l’étoile elle-même.
Bien sûr, je ne suis pas en train de parler d’étoiles. Ou plutôt, formulons cela comme une métaphore, à une échelle bien plus modeste que celle des corps célestes : nous sommes des étoiles. Et je me pose en spectateur de mon propre effondrement, en essayant de comprendre ce qui conduit à ce phénomène humainement très déplaisant.
Il est assez difficile, de notre point de vue, de ne pas prendre en considération les forces extérieures qui s’appliquent à notre propre cœur et dictent les réactions “nucléaires” qui s’y produisent.
Notre humanité nous place au sein d’un réseau de systèmes à deux corps ; nous sommes même essentiellement définis par la somme des systèmes à deux corps que nous construisons avec les gens qui constituent notre galaxie sociale.
Une vision égocentrique nous plaçant au centre de ce réseau en facilite la visualisation, mais reste artificielle. L’influence exercée par un autre corps sur nous dépend en partie des forces exercées sur cet autre corps par d’autres corps. Ainsi nous subissons, par transitivité partielle, l’influence d’autres corps auxquels nous ne sommes même pas directement liés.
Amour (l’amour qui ne trouve pas d’écho - celui qui se déverse dans un vide infini), tristesse, frustration, colère, déception, peur… Ces relations interpersonnelles se manifestent, à terme, en tant que sentiments. En l’occurrence, des sentiments susceptibles de nous troubler et de nous altérer négativement. Ils sont nos forces gravitationnelles, et leur poids écrasant nous comprime et nous étouffe.
Quelle énergie invoquer pour lutter ? Celle d’un cœur en fusion, nourri de plaisir, d’amusement, de confiance, d’excitation, d’amitié, d’Amour (le bon, cette fois-ci)...
En ce moment, mon cœur s’éteint. Il brûle suffisamment pour me faire souffrir, mais pas assez pour résister. Le refroidissement total semble inexorable, et c’est alors la mort qui nous cueille. Les étoiles disparaissent bien avant que les observateurs externes ne s’en rendent compte ; sommes-nous également condamné.es à nous éteindre dans le secret ?
Ou bien, les émotions voyagent-elles plus vite que la lumière ? Notre appartenance à une réalité partagée ne comble pas l’espace infini entre deux consciences ; ce sont les émotions et leur résonance qui tissent des ponts entre deux êtres humains évoluant, fondamentalement, sur des plans différents.
Alors, peut-on être à l’heure pour se sauver les uns les autres ?
Quoi qu’il en soit, selon cette lecture, les forces gravito-émotionnelles deviennent au moins en partie exogènes. L’influence externe aboutit à des sentiments, mais c’est notre machinerie interne individuelle qui transforme les stimuli en émotions, selon une logique (ou une absence de logique) qui nous est propre.
Deux astres sont en lien et en équilibre tant que les émotions les connectent ; sans émotion, sans résonance, plus rien ne les attache, et ils s’éloignent. Il suffit hélas de perdre le point d’entrée, ou le point de sortie. Quoi de plus accablant que de déployer toute son énergie, jusqu’à la dernière goutte, dans un tuyau percé, et voir l’autre s’éloigner malgré tout ?
Les héros ne peuvent-ils pas broyer les lois du réel par leur volonté, et façonner la réalité qu’ils désirent ?
La porte est ouverte à une conclusion moins pessimiste : l’effondrement gravitationnel est aussi à l’origine de la formation des étoiles. Alors, faut-il accepter de mourir pour renaître ?