Mes 12(+1) morceaux de 2023
Pour conclure l’année, voici une playlist contenant les 12 morceaux m’ayant le plus souvent accompagné. Il y en a bien davantage, et mes écoutes du dernier trimestre sont sur-représentées, mais cette sélection reflète simplement l’intensité de mes émotions.
En accompagnement, quelques commentaires relatifs à chaque morceau.
Attention : contient quelques spoilers, notamment pour Tears of The Kingdom, Octopath Traveler & Triangle Strategy.
1. Those Who Deny The Dawn (Yasunori Nishiki - Octopath Traveler II)
Après la relative déception suscitée par Fire Emblem Engage – son histoire médiocre, sa bande-son oubliable – j’ai noyé mon chagrin dans Octopath Traveler II, qui sublime la recette du premier opus pour le surpasser.
Musicalement, Yasunori Nishiki, pour qui je ne cache pas ma sympathie depuis 5 ans (ses commentaires bienveillants sur ma musique lors de sa masterclass n’ont bien sûr rien à voir…), nous propose une nouvelle OST d’exception. La richesse de ses mélodies et de ses orchestrations en fait l’un des archanges du JRPG moderne, malgré un respect des traditions du genre, clairement assumé par la Team Asano dans son ensemble.
Au crépuscule de l’aventure, Nishiki a composé un duo de morceaux correspondant aux deux phases du boss final : une première version orchestrale, puis une refonte rock/métal. Néanmoins, les guitares sont toujours soutenues par un orchestre, et la mélodie principale reste au tenor ; un choix faisant hommage à Octopath premier du nom, lorsqu’une soprano nous accompagnait pour l’ultime affrontement contre Galdera.
J’ai écouté Those Who Deny The Dawn un nombre incalculable de fois tout au long de l’année, pour me redonner un peu d’énergie quand le besoin s’en faisait sentir.
Et sans surprise, j’ai été fortement influencé lorsque j’ai écrit l’une de mes rares compositions de 2023 :
2. Demon Dragon (Manaka Kataoka - The Legend of Zelda: Tears of The Kingdom)
Quelle injustice : Tears of the Kingdom est certainement le meilleur jeu de la décennie, mais il subit le choc infligé par Breath of the Wild à sa sortie, au point d’être considéré par certain·es comme un simple DLC de BotW…
Chanter les louanges de cette épopée fabuleuse prendrait bien des lignes, restons-en donc au thème composé pour le boss final, le désormais fameux DragonDorf (détail amusant : aux échecs, on appelle Dragondorf une ouverture qui mélange les systèmes Najdorf et Dragon de la sicilienne… Une Najdorf avec g6, pour faire simple).
Final grandiose d’une double aventure s’étalant sur (au moins) une centaine d’heures, l’expérience du combat est transcendée par cette séquence musicale en plusieurs temps, qui reprend les différents thèmes principaux des deux jeux et de la série.
Comment ne pas frémir à 4:24, lorsque la Lune de Sang éclot pour la dernière fois, et que les violons s’envolent avant d’entamer un arrangement toujours plus épique du second thème de Breath of The Wild ?
Ce morceau est un effort de groupe, mais l’utilisation brillante et intensive du piano, instrument central des OST de BotW et TotK, est la signature sans équivoque de Manaka Kataoka, fantastique compositrice en charge de ces deux mastodontes.
Et alors que nous achevons le Roi-Démon, le jeu nous propulse vers une ultime séquence cathartique (un thème récurrent ces derniers temps, non ?).
2(+1). The Final Fall (Manaka Kataoka - The Legend of Zelda: Tears of The Kingdom)
De la séquence d’introduction, où Link ne parvient pas à saisir la main de Zelda qui chute vers les profondeurs (et le passé), à l’intervention divine de Rauru et Sonia qui viennent – évidemment – délivrer leur descendante de sa prison d’écailles, tout le jeu nous prépare à ce moment.
Un ultime plongeon dans les cieux clairs d’une Hyrule libérée, afin de sauver celle pour qui nous nous battons depuis le début, et sans qui ni Ganondorf, si sa manifestation Ganon (ou est-ce l’inverse ? ;) ), n’auraient pu être vaincus.
Le thème principal revient au galop, la mélodie de Zelda s’invite dans la danse, et le thème principal conclut cet ultime acte héroïque d’un Link qui fait les choses bien, jusqu’au bout.
Que demander de plus ?
3. Hands Held High (Linkin Park - Minutes to Midnight)
Si mes souffrances ont pu être insoutenables, il faut parfois remettre les choses en contexte. En cette fin d’année, quelques jours après ma propre implosion, une attaque du Hamas en Israël ayant fait environ 1200 victimes a semble-t-il légitimé le génocide (et/ou nettoyage ethnique) du peuple palestinien dans la bande de Gaza. À date, près de 22000 morts, dont 9000 enfants, et plus de 50000 blessés. Tout cela avec la bénédiction des grandes puissances occidentales (à l’exception notable de l’Irlande).
Minutes to Midnight est le premier album que j’ai écouté de Linkin Park, et constitue le premier virage stylistique de la noble histoire du groupe. Hands Held High, en particulier, se distingue comme une sorte de “rap sacré”, magnifié par les mots de Mike Shinoda. Cette chanson traite de la guerre en Irak, mais certains vers s’appliquent parfaitement à la situation actuelle.
“It's ironic, at times like this you'd pray
But a bomb blew the mosque up yesterday
There's bombs on the buses, bikes, roads
Inside your market, your shops, and your clothes”
Peut-on sauver un monde pareil ?
4. Idore Delmira (Akira Senju - Triangle Strategy)
Cet été, je me suis replongé dans Triangle Strategy, un excellent Tactical-RPG dont j’avais terminé l’un des scénarios l’an dernier.
La sortie d’un “chapitre additionnel” (en réalité, un court acte purement narratif) me semblait être un bon prétexte pour revenir en Norzélia à la recherche de la fameuse “Golden Route”, qui unit les trois grandes directions du jeu pour apporter une conclusion véritablement satisfaisante à l’histoire.
Idor, dictateur de l’ombre d’une théocratie basée sur un conseil de Saints obéissant à un Oracle, est un antagoniste intéressant, dont les mensonges et la dévorante ambition sont finalement dévoilés par nos héros.
Dans un dernier affrontement dramatique, le de facto dirigeant d’Hyzante devient une sorte de demi-dieu. Mais le morceau sélectionné n’est pas celui du combat, et pour être honnête… je ne me souviens plus vraiment du moment où il intervient.
Enfin, peu importe. Pour un méchant de JRPG, c’est un thème nuancé, dramatique mais pudique, qui fait ressortir les espoirs déçus d’un homme finalement dépassé par sa colère et sa peur ; désireux de tout contrôler pour créer un avenir qu’il juge idéal, et finalement rattrapé par un successeur mieux entouré pour affronter ses propres échecs.
Là encore, rien de merveilleusement original, mais ce thème m’a tout de même marqué.
5. Hollow (Nobuo Uematsu & Yosh - Final Fantasy VII Remake)
Ce joyau a bientôt 4 ans, mais depuis octobre il résonne dans mon cœur avec une violence particulière. Les harmonies, la voix de Yosh, les paroles… Nobuo Uematsu a toujours composé des chansons fantastiques, mais Hollow est difficilement comparable à des œuvres comme Suteki Da Ne ou Kiss Me Goodbye, bien plus optimistes.
Le titre, et le thème du vide en général, est en fait très ironique. Ou plutôt… Je suis mal à l’aise de le formuler ainsi, puisque certaines personnes se pensent véritablement vides. Et j’ai toujours tout fait pour la convaincre du contraire, l’ancrer dans le réel lorsqu’elle s’en éloignait dangereusement…
Je ne sais pas trop ce qui se passe en moi. J’ai plutôt tendance à voir un bouillonnement permanent, un brasier gigantesque, un réacteur nucléaire qui n’arrive pas à s’exprimer convenablement.
Mes tourments des dernières semaines ont sans doute desséché cette énergie chaotique qui s’épuise à ne jamais prendre forme concrète… Peut-être s’agit-il d’un vide localisé. Un vide immense, insondable, infini, mais qui ne serait en fait qu’une partie d’un autre tout, lui aussi infini… mais pas vide.
Il faut juste s’assurer que ce vide ne devienne pas un trou noir, qui dévorerait tout et me réduirait intégralement à néant.
Le vide, “Oblivion”…. En réalité, ce sont les thèmes de The Land of Shadows, mon premier album. Mais c’est un combat permanent.
“With your every smile hiding something more
Dark mysteries lurking beneath
But I was consumed with this emptiness
This selfishness, this void to fill…”
6. Sadness and Sorrow (Animenz - Naruto)
Animenz est un de mes héros depuis une dizaine d’années, et d’une certaine façon, mon “Third Impact” pianistique. Ses arrangements sont toujours d’une qualité exceptionnelle, difficiles à jouer, mais incroyablement gratifiants.
J’ai à peine commencé à travailler celui-ci, mais une nouvelle fois, il résonne avec mes sentiments de façon très profonde.
La première exposition de la mélodie est déchirante malgré sa simplicité, mais c’est à partir du 4ème acte (5:12) que l’arrangement prend son envol et monte progressivement en intensité, avant l’apothéose (6:24), qui incarne parfaitement la fureur cachée derrière la douleur, la tristesse, l’affliction.
Des sentiments d’abord cachés avec retenue, mais qui peuvent aussi exploser et s’exprimer avec une intensité brutale. Au risque de se brûler soi-même, et les autres…
Pour être pleinement cathartique, je dois réussir à jouer cela. Il y a encore du travail.
7. The Catalyst (Linkin Park - A Thousand Suns)
Je reviens vers Linkin Park pour une pause plus énergique dans une playlist qui commence à sentir bon la dépression.
Nous retrouvons le thème abordé avec Hands Held High, et les paroles font très largement écho aux thèmes de la guerre, comme l’album dans son ensemble, d’ailleurs. À sa sortie, A Thousand Suns a divisé les fans, s’éloignant encore plus des racines nu metal du groupe. Je n’étais pas entièrement convaincu, même si j’avais été très marqué par Iridescent… Cela dit, j’ai toujours défendu mon respect absolu de Linkin Park, précisément pour cette capacité à se réinventer à chaque album, et à ne pas se répéter d’un projet à l’autre. Une qualité partagée par Queen et Pink Floyd, mes deux autres groupes de cœur.
Au-delà du sous-texte, la chanson se prête bien au chant décomplexé pour purger la frustration et la colère.
Lift me up, let me go…
“God, save us everyone
Will we burn inside the fires of a thousand suns?
For the sins of our hand
The sins of our tongue
The sins of our fathers
The sins of our young, no!”
8. lost in the memory (Shiro Sagisu - Evangelion 3.0+1.0 )
Cette fin d’année est également marquée par Evangelion. J’y reviendrai un peu plus tard, mais ce morceau étrangement obsédant est assez symptomatique de la série et du travail de Shiro Sagisu, compositeur ayant construit un univers sonore véritablement unique pour une série* qui l’est tout autant.
L’atmosphère insondable se dégageant de lost in the memory repose bien sûr sur les accords ambigus arpégés à la guitare, et une mélodie chantée dont on ne sait jamais si elle tend vers la mélancolie, l’espoir ou la tristesse – un mystère qui reflète les doutes traversés par nos protagonistes, notamment Shinji.
Les paroles rejoignent une nouvelle fois le thème du vide et de l’oubli, et le refrain en particulier flotte comme un voile de confusion :
“Loneliness isn't the way I wanted to be feeling
Emptiness, ebbing away like some forgotten story
Helplessness, what can I do to make you all remember
Sadness is, all that I have and it's no comfort to me”
9. Dragon Commander (Yoshihide Otomo, Avuchan, Mirai Moriyama - INU-OH)
INU-OH est un film d’animation sorti chez nous il y a un an, que l’on pourrait qualifier de comédie musicale tant les chansons prennent un rôle important à l’écran. Deux personnages marginaux y forment un duo de chanteurs au style anachronique pour le XIVème siècle japonais. Après la séance, l’ami qui m’accompagnait et moi-même sommes tombés d’accord dès le générique de fin : nous n’étions pas bien sûrs de ce que nous venions de voir, mais c’était super.
Le point culminant du film est une séquence assez longue qui aboutit à la résolution (partielle) de l’intrigue. Dragon Commander est le morceau accompagnant ce dernier acte, une sorte de “Bohemian Rhapsody” de l’animation japonaise. Une introduction d’opéra, du hard rock, un “bridge” instrumental, une section très planante… Difficile de ne pas y voir les influences du rock progressif des années 70-80, dont beaucoup de compositeurs·trices japonais·es modernes sont des héritier·es assumé·es.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut absolument écouter ce morceau. Je suis biaisé vis-à-vis du genre, mais à partir de 6:00, tout est mis en place pour faire monter l’excitation avant de tout relâcher dans un final extrêmement satisfaisant.
Pour l’anecdote, la chanson parle d’un dragon caché au fond d’un lac et qui attend de se réveiller (reprenant un mythe japonais classique). S’il faut encore tisser des parallèles, peut-être que cette chanson contribue à réveiller mon dragon intérieur.
10. SakuraNagashi (Hikaru Utada - Evangelion 3.0)
Après quelques détours, nous arrivons au sommet de la montagne, ou au plus profond de l’abîme.
Je n’arrive pas à pleurer. Même quand je suis au pic de ma souffrance, de ma frustration, de ma tristesse, de ma colère, de mon désespoir, les larmes ne jaillissent pas. En 2014, c’est une œuvre de fiction qui m’avait finalement débloqué, par transitivité.
Ces dernières semaines, je m’en suis approché une fois. Je marchais dans la rue en écoutant SakuraNagashi, tout en songeant à Hideaki Anno, père torturé d’Evangelion. Celui-ci a légué à la postérité un héritage exceptionnel d’une humanité débordante, à l’issue d’un processus créatif douloureux, et particulièrement long si l’on ajoute la série de films Rebuild ; une tétralogie qui compte, selon moi, parmi les œuvres les plus importantes de l’histoire de l’animation – et peut-être de la création humaine dans sa globalité.
Et je me suis dit, c’est ça. Ce que je veux. C’est ce genre de monuments que j’aimerais créer, ce genre d’héritage que j’aimerais laisser. C’est une ambition démesurée, mais c’est le sens que j’aimerais donner à mon existence.
Et tout cela m’a poussé au bord des larmes.
J’aime énormément Hikaru Utada, et SakuraNagashi est certainement ma chanson préférée. La douleur, la puissance, et la fragilité qui transpirent de chaque note et de chaque mot… La profonde humanité des choses.
“Everybody finds love… in the end.”
11. The Little Things Give You Away (Linkin Park - Minutes to Midnight)
Lors de mes multiples réécoutes des albums de Linkin Park, je suis naturellement arrivé à la fin de Minutes to Midnight. The Little Things Give You Away est sans doute la chanson qui m’avait le moins marqué à l’époque (avec In Between). Néanmoins, ces dernières années, j’ai progressivement changé d’avis, et elle fait désormais partie de mes préférées. Délicate et planante, son dernier tiers est un pur cri de libération cathartique (si vous en avez marre de ce mot, mes excuses, ce n’est pas la dernière occurrence) avant une conclusion murmurée.
Cette description esquisse des liens évidents avec la structure de Dragon Commander, il n’est donc pas très surprenant que les deux morceaux aient eu un effet similaire sur mon humeur et ma psyché.
12. Katharsis (TK from Ling tosite sigure - Sainou)
Les mix aléatoires de Deezer ont parfois du bon. Il y a une petite semaine, les titres de J-Pop défilaient dans mes oreilles, avant que la voie si distinctive de TK ne vienne chatouiller mes oreilles. Son univers sonore, qu’on retrouve aussi bien chez Ling tosite sigure que dans ses albums solo, est parfaitement construit autour de son chant déchirant.
Touché par le refrain, je consulte le titre du morceau… Comment ne pas y voir un signe ?
Conclusion
Si vous vous êtes accroché.e jusqu’ici, merci.
Des mots, des mots, toujours des mots. Au final, la musique se ressent, alors écoutez-la et ressentez-la.
Mes palabres erratiques ne résonnent qu’en moi. Et peut-être est-ce bien assez.
Catharsis.